vendredi 6 janvier 2012

La Tunisie est-elle à vendre ?


Depuis quelques semaines, nos responsables fraichement élus multiplient les déplacements à l'étranger, plus exactement, entre la Libye et le Qatar. Deux pays qui vont gentillement nous décharger de quelques 225 000 chômeurs. Certains y voient un bon signe, mais il ne faut pas se réjouir trop vite. Certes, la Libye aura besoin de nos travailleurs pour se reconstruire et le Qatar a toujours besoin de travailleurs supplémentaires au vu de sa sous population, mais envoyer nos chômeurs à l'étranger, n'est ce pas un signe d'échec que l'on envoie aux jeunes ? « Désolé, votre pays ne peut rien pour vous, allez voir ailleurs ». N'est-ce pas une atteinte à la dignité ?

Ils diront bien sûr que c'est temporaire, que c'est en attendant les investissements et surtout que c'est une opportunité sans précèdent pour nos jeunes. Mais la Tunisie ne manque pas d'opportunités, il suffit de prendre les bonnes décisions et d'être innovant. En matière de services, d'énergie verte, d'informatique, nos capacités sont énormes mais trop peu exploitées. Au lieu d'exploiter ces domaines porteurs d'avenir, le gouvernement promet des emplois dans le secteur public, qui est surchargé, démotivant et très rarement satisfaisant. On continue à bourrer l'administration au lieu d'essayer de la rendre plus efficace, moins chaotique, plus à l'écoute de chacun. Il faut absolument réformer l'administration, afin qu'elle soit au service du citoyen, et non une simple machine vide au service de personne.


On entend également parler ces derniers jours de fusion ou d'intégration avec la Libye. Mais au nom de quoi ? Au nom d'une proximité culturelle ? Si nous étions vraiment si proches nous nous serions tout naturellement unis depuis belle lurette. Comme l'a bien souligné Bourguiba à son époque, les sociétés libyenne et tunisienne sont de composition différentes, ont des cultures différentes et une histoire différente. La langue arabe et la religion musulmane ne suffisent en rien à unir deux peuples, comme l'ont bien montrées les différentes tentatives d'union arabes: La République Arabe Unie de 1958 (Égypte, Syrie) et l'Union des Républiques Arabes de 1971 (Libye, Égypte, Syrie). Le panarabisme a été un échec et ce serait une erreur de vouloir le faire revivre sous la même forme qu'autrefois.

Mais cette union avec la Libye peut également avoir des motifs économiques : un meilleur accès à leur marché, du pétrole pour la Tunisie... Mais est-ce qu'on vend la souveraineté de son pays pour du pétrole ? Est-ce qu'on vend sa culture pour quelques avantages ?


Il faudrait donc que notre gouvernement se rappelle que la révolution (si on peut encore l’appeler ainsi) a été faite parce que le peuple en avait assez d'être acheté et bafoué dans sa dignité. Il refusera certainement d'être vendu au plus offrant.

lundi 5 décembre 2011

Jabri Time


Le sit-in du Bardo a été l'occasion idéale pour voir de ses propres yeux l'état de néant intellectuel dans lequel certains de nos concitoyens sombrent. Ils ne sont pas à blâmer : l'abêtissement général de la population a été une politique active de Ben Ali, il a vidé l'éducation de tout sens, a totalement banni la politique de la vie universitaire, a négligé l'apprentissage des langues et la lecture, nécessaires à l'ouverture au monde, a concentré ses efforts uniquement sur les sciences durs pour que nos travailleurs ne sachent rien du monde,... Bref, il a tout fait pour abrutir ce peuple, et force est de constater qu'il a dans une certaine mesure réussi.

Si bien qu'en parlant avec quelques curieux venus au sit-in du Bardo, l'on est effaré par l'ampleur des dégâts : Beaucoup n'ont aucune référence culturelle fiable à part Dieu, la plupart se concentrent donc uniquement sur la question religieuse, ne pouvant faire de nuances ou se faire d'avis sur les autres sujets. Beaucoup d'entre eux vous demandent dès le début de la conversation si vous êtes athée ou pas, car malheureusement Dieu étant la seule référence, il ne peuvent juger un individu qu'à travers ça. Cela est bien plus la faute d'un régime qui a fermé toute porte à la réflexion, à la critique et qui a donc encouragé l'immobilisme des idées que la faute de ces mêmes individus.

La religion doit être une référence pour tout être humain. Mais c'est lorsqu'elle est la seule qu'elle devient dangereuse, il faut voir la religion comme une aide apportée par Dieu pour vivre sa vie temporelle, et non le mode d'emploi stricte à appliquer à la lettre de la vie spirituelle. Et puis je voudrais aussi dénoncer l'hypocrisie de ces gens, fruit d'une hypocrisie sociale flagrante : Beaucoup boivent, fument de la zatla, et votent quand même Ennahdha pour avoir bonne conscience, en soutenant qu'il y a beaucoup de trop de vice à leur goût et qu'il faut un parti islamiste pour purifier tout ça. Schizophrénie ou Hypocrisie, les vices en question sont les leurs mais ils culpabilisent. C'est simple soit on croit en Dieu et on fait se qu'on peut pour être vertueux et on peut voter islamiste, soit on assume ses actes et on boit et fume sans mauvaise conscience. Mais on ne peut pas faire basculer le destin de tout un pays pour une simple question de culpabilité.

Il est assez malheureux de voir que le débat est descendu aussi bas en Tunisie : il ne s'agit plus de régime parlementaire ou présidentiel, de libéralisme ou de socialisme, il ne s'agit plus que de mécréants et de croyants. C'est la conséquence directe de ces années de sécheresse culturelle qu'on été les années Ben Ali. Il est assez écœurant de voir que les seules personnes de moins de vingt ans pouvant parler politique et société normalement sont celles qui ont fréquenté les établissements privés ou les lycées publics des quartiers riches, ou alors des parents ayant insisté sur la culture de leurs enfants en leur inculquant le goût de la lecture dès le plus jeune âge.


Cette chute inexorable de l'éducation est particulièrement remarquable au niveau des langues : l'école de Bourguiba a fait de nous des quasi-bilingues arabe-français. Aujourd'hui, un diplômé du supérieur sort avec un français dit de survie, qui fait qu'il est incapable de sortir du marché du travail tunisien. Ce néant linguistique abyssale, n'est pas seulement le fruit d'un système éducatif qui a fait des langues le cadet de ses soucis, mais il est également dû la quasi-disparition du français de notre paysage audiovisuel, avec des chaines françaises remplacées par des chaines musicales ou religieuses arabes, et des radios traités d'élitistes dès lors que les présentateurs parlent un peu français.

C'est cette absence de diversité linguistique qui a fait que l'on voit apparaître aujourd'hui des traditions, des habits et des opinions qui n'ont rien de tunisien : à force de nous tourner vers l'orient, nous avons adopté sa culture et ses traditions, reléguant notre héritage et notre culture dans un coin. Car la Tunisie est diverse, arabe, ottomane, française, juive, et nous sommes plus proche d'un maltais que d'un qatari.

La culture, l'éducation sont des enjeux majeurs pour l'avenir du pays. En effet pas de développement sans culture et pas de culture sans acceptation des autres cultures. Mais la culture reste un luxe que garde avec jalousie la pseudo élite tunisienne. C'est cet égoïsme qui nous a couté les élections. A force de rester enfermés ignorant la réalité qui nous entoure, nous avons oublier à quel point la culture doit être le bien de tous. Ouvrons cinémas, théâtres, ateliers et bibliothèques pour tous, et non seulement nous serons tous plus aptes à comprendre la politique, tous plus aptes à occuper un emploi, et surtout tous plus aptes de vivre une vie selon nos choix et non selon ceux des autres. Et l'on aura une chance d'en finir avec l'ignorance et les jboura.

dimanche 23 octobre 2011

23 Octobre

Journée historique, plus qu'historique. Une ambiance toute particulière ce dimanche matin. Voter, après tant d'années de dégoût, voter devient enfin un plaisir, un acte qui se fait fièrement et non avec amertume. Les gens font la queue en riant de bon cœur au légendaire sens de l'organisation tunisienne. Des vieilles dames amènent des tabourets avec elles, elles chuchotent qu'Ennahdha leur fait peur et qu'elles ne voteront pas pour eux. C'est beau, il faut se concentrer pour ne pas pleurer. Repensant au passé et à la chape de plomb qui nous rongeait, on ne peut qu'être heureux à la vue de tous ces gens venus s'exprimer, venu décider de l'avenir de leur pays. Les queues sont longues, beaucoup sont venus dès l'ouverture et peu de gens sont découragés par leur longueur ou par la chaleur écrasante. Chacun attend patiemment son tour sans s'énerver, en discutant avec son voisin et regarde avec impatience la queue. Tout le monde a en tête qu'aujourd'hui le monde nous regarde, et nos voisins arabes avec eux. Tout le monde veut montrer que la Tunisie est à l'avant garde du mouvement démocratique arabe.

Quoi qu'on dise, aujourd'hui, c'est l'histoire, aujourd'hui c'est la fierté d'être tunisien, aujourd'hui, c'est un pas de plus vers un pays où il fera bon vivre, car au fond, qu'importe une victoire d'islamistes dans un pays où les gens se lèvent à l'aube pour voter ? Un pays de citoyens, ayant acquis leur majorité par le sang et le courage.

(Article, to be continuated :)

jeudi 20 octobre 2011

Ennahda : retour sur une success story.

Tunisie, J-7 avant les élections.  Sous une chaleur encore tenace, à quelques jours de l’élection d’une Assemblée Constituante, les tunisiens restent les yeux rivés sur le favori du 23 Octobre ; le parti islamiste Ennahda. En neuf mois à peine, le mouvement sorti de l’ombre après 23 ans de persécutions a su s’imposer au sein de la société post-Ben Ali.
La Tunisie, territoire minuscule coincé entre deux géants pétroliers et qui a connu deux dictatures et quelques millions de touristes est un petit pays à tendance schizophrène. Schizophrène parce qu’il oscille entre un libertinage à l’européenne et un article premier de la Constitution qui déclare clairement que « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'Islam ». Par conséquent, en toute logique des choses, le tunisien moyen se moquera de ces «kofar » (mécréants) d’étrangers sans Dieu, ni valeurs avant d’aller partager une bière avec eux. Ainsi, fonctionne la société tunisienne, à la fois attachée à ses valeurs religieuses mais revendiquant clairement sa modernité héritée d’un Bourguiba visionnaire et de sa proximité avec l’Europe.
Néanmoins, les dernières années ont vu émerger en Tunisie un retour du religieux qui est resté longtemps caché derrière les couches de propagande mauve du dernier dictateur (Noté que le mauve était sa couleur préférée). Les clivages sociaux de plus en plus importants, se sont mutés en clivages religieux. Les classes populaires, les jeunes diplômés au chômage abandonnés par un pouvoir trop occupé à s’enrichir  se sont tournés vers le refuge que constitue pour eux la religion. Les régions abandonnées par l’Etat ont vu fleurir des mosquées au détriment d’autres infrastructures. Entre Tunis capitale-vitrine, les littoraux-cartes postales et les régions désertiques du centre où dit-on, il n’y a que minarets à l’horizon, le fossé s’est creusé.
Mais il a fallu attendre le 14 Janvier pour que le tunisien voit tout ça a l’œil nu. Car les portes de l’islamisme avaient été fermées à double-tour par un Ben Ali, à coup d’emprisonnements et d’exils.

Ainsi, la nouvelle terreur postrévolutionnaire a été la découverte de pratiquants purs et durs, de mouvements salafistes mais aussi d’un parti islamiste renaissant de ses cendres.  La première réaction de l’opinion publique a été de s’insurger contre le retour du leader du parti islamiste, Rached Ghannouchi, de crier gare contre les « barbus » qui voulaient faire du pays un deuxième Iran.  Cette mauvaise publicité, relayée par les médias et  les réseaux sociaux (combien de groupes Anti-Ennahda compte-t-on aujourd'hui  sur Facebook !) aurait dû en théorie desservir le parti. Mais c’est là où le génie d’Ennahda s’est exprimé.

Le parti a non seulement su profiter de la publicité gratuite que lui faisait l’opinion publique mais il a aussi cherché à démontrer l’inexactitude des accusations d’extrémisme dont on l’ l'assaillait.
Il a d’abord revendiqué son idéologie islamiste modéré en affirmant son soutien à la parité homme-femme au sein des listes électorales (loi votée en Mai) et il a érigé en modèle absolu la Turquie de l’AKP.
Il est l’unique parti à disposer de bureaux et de membres dans quasiment toutes les régions de la Tunisie, (et notamment les régions du centre et du sud toujours délaissés par le pouvoir) et il a su rallier à sa cause les élites du pays (aussi bien des imams, des théologiens que des personnalités de la vie publique respectés  et surtout reconnus). Mais le fer de lance de cette opération séduction a été d’user de l’argument moralisateur pour attirer les électeurs.
Le parti savait qu’après 23 ans sous le joug d’une famille cupide dilapidant les ressources du pays, mettre en avant l’honnêteté de dirigeants était l’argument permettant d'attirer un nombre d'électeurs considérable.  Et, ainsi Ennahda s’est retrouvé non sans grande surprise à la tête de tous les sondages grâce à une solide stratégie de communication et une organisation sans faille.

Néanmoins, bien que le parti clame haut et fort sa modération le danger d’une dérive conservatrice si Ennahda accédait au pouvoir est bien réel. 
Il faut prendre en considération qu’Ennahda est une structure géante englobant toutes les tendances islamistes, d’avocats modérés aux salafistes conservateurs qui constituent la base du parti. Et quand on voit qu’en réponse à la diffusion sur la chaîne de télévision Nessma de Persepolis, où apparaît la représentation de Dieu (alors qu’elle est interdite dans l’Islam) ces mêmes salafistes décident d’attaquer la chaîne en question, le danger de l’islamisme apparaît plus que jamais réel en Tunisie.

L’enjeu majeur des élections et des années à suivre en Tunisie sera de pouvoir à la fois concilier la foi musulmane des classes populaires et l’occidentalisme des classes moyennes et des élites bourgeoises. Ennahda pourra-t-elle être garante de cette schizophrénie tunisienne, cette diversité d’opinions, qui est à la fois l’atout et le péril du pays ? Pas si sûr ..
Copyright : Z (debatunisie.com)

vendredi 14 octobre 2011

Persepolis



À une semaine d'élections historiques en Tunisie, le pays est plongé dans une profonde méditation à haute teneur métaphysique « Est-ce que voir Dieu à la télé insulte Dieu ? ». En effet, depuis une longue semaine, Persepolis remue ciel et terre ( Jeu de mot de l'année) alors que notre futur constitution, celle qui définira notre vie politique pour les prochaines décennies est passé à la catégorie « Sujet de second ordre». Mais il faut avouer que cette polémique qui semble aux premiers abords vaine et totalement disproportionnée aura eu le mérite de clarifier les positions de chacun et de montrer à quel point le pays peut facilement se diviser sur des questions religieuses. Il y a ceux qui considèrent que Persepolis est un film blasphématoire, poussant à l'athéisme, et furieusement insultant parce qu'on y voit un barbu dans le ciel, barbu qui symbolise Dieu. Il y a ceux qui trouve que c'est un film insultant mais qui en veulent surtout à Nessma de l'avoir diffuser juste avant les élections pour semer le trouble dans le pays. Et il y a ceux qui défendent la liberté d'expression, la liberté de créer et de blasphémer. Le phénomène touche ainsi une immense partie de la population.

Les premiers sont irrécupérables, aveuglés par une foi assez malsaine en un Dieu prônant la paix, ils cherchent par tous les moyens à défendre ce Dieu comme si celui-ci avait besoin de quelques gardes du corps, censé le protéger des vilains mécréants ( qu'il a lui-même créer, après tout). Ils insistent également sur l'identité arabo-musulmane de notre pays et affirment vouloir sauver la société tunisienne de la débauche et des « Kofar » (athées). Et nous arrivons là à un point essentiel déjà évoqué sur ce blog : le paternalisme ancré dans nos gènes. La dictature partie, voilà que de nouveaux arrivants souhaitent prendre notre vie et notre éducation en charge, comme si la notion de liberté était simplement un mot qu'il faut gentillement contourner pour revenir à la bonne vieille autorité. Protéger les jeunes de la pornographie, protéger la société des dangereux athées sionistes qui veulent mettre à mort la religion musulmane, voilà la nouvelle menace, celle d'un état castrateur sous couvert de moralité, au mépris de toute liberté.

Les seconds n'ont pas tout à fait tort, mais sont souvent doués d'une logique frôlant l'absurde. Bon nombre d'entre eux ont compris que la manœuvre de Nessma n'est pas tout à fait anodine, en effet, diffuser Persepolis, deux semaines avant les élections et traduit en arabe dialectal, était une façon des plus claires de montrer aux gens ce qu'ils risquaient en votant Ennahdha. Mais cette catégorie de gens, dont une partie est descendue dans les rues ce vendredi, en veut surtout à Nessma pour avoir foutu le trouble en diffusant le film. Le trouble n'est pas dans le film, mais dans les réactions disproportionnées qu'il a suscité. Cet argument tombe d'ailleurs à l'eau quand on sait que Persepolis a été diffusé aux JCC sans suscité le moindre problème, et aussi quand on sait qu'une chaine comme Hannibal (qui devrait être fermée pour excès de populisme) a montré des gens au cabaret buvant du whisky dans un feuilleton ramadanesque sans que qui que ce soit ne proteste. Il n'y a aucune logique à tout cela.

Quelques remarques pour finir, beaucoup de manifestants évoquent le respect du aux opinions de la majorité, rappelons-leur qu'une vraie démocratie se distingue par l'attention qu'elle porte à ses minorités et non le contraire. Ce n'est pas parce que les athées, laïcs, koffar, juifs, chrétiens sont minoritaires qu'ils sont des citoyen de second ordre et qu'il doivent se taire au nom du respect dû à la majorité.
D'ailleurs, qu'on se le dise bien, en tant que minorité, ces gens-là ne menacent en rien l'omnipotence de la culture arabo-musulmane de notre pays, alors qu'on arrête de nous parler de complot laïc voulant corrompre la jeunesse. Laissons les gens libres de choisir leurs voies sans exclure et nous vivrons bien mieux ensemble.
Et enfin, Persepolis est un excellent film, aux personnages attachants, il porte un message de tolérance. Mais au delà de tout message et de tout scénario, ce film est sublime, touchant, drôle. Bien sûr, tous les goûts sont dans la nature, même les goûts de chiottes, mais ce qui est le plus terrible dans cette histoire, c'est l'incapacité d'une bonne partie de nos concitoyens d'apprécier un film pour ce qu'il est, sans y mêler leurs opinions ou leurs croyances. C'est la magie de l'imagination d'une enfant de 6 ans qui pense à Dieu qu'ils souillent de leurs conneries.

vendredi 29 juillet 2011

Kasbah III


 (Article écrit le 25 Juillet, ce qui explique que certains événements peuvent sembler dépassés.)

«Une fois que le sujet a refusé son allégeance et que le fonctionnaire a démissionné, la révolution est accomplie.» 
Plus de six mois après les évènements du 14 Janvier, il semble bien que l’espoir démocratique n’ait jamais été aussi fragile. 

Les derniers événements de la Kasbah 3 et de Sidibouzid ne font que remettre en évidence la pérennité des pratiques de l’ancien régime. Nous est-il encore permis de parler de révolution aujourd’hui ? Le système demeure inlassablement le même, que l’on est a sa tête un ZABA-mauve ou un cynique-BCE. Le gouvernement transitoire persiste à maintenir les techniques de l’ancien régime et à bâillonner ceux qui le contredisent à l’aide de BOP toujours aussi bien armés, de bombes lacrymogènes sur des manifestants pacifiques et de balles –perdues nous dira t-on-. On pourra toujours nous abrutir de discours mielleux et populistes ou de promesses d’élections mais il n’empêche que la répression n’a jamais cessé. La police tabasse quand ça proteste, les militaires punissent quand ça critique. De la démocratie pure et dure hein. N’ont-ils toujours pas compris que manifester est un droit ? A croire que « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout »

Mais les conseillers de l’ombre de nos deux vieillards préférés ont apparemment trouvé une technique encore plus efficace pour faire taire la masse. Un ennemi commun sur lequel l’Etat pourrait exercer son racisme.
En temps de crise il est beaucoup plus facile de juguler les aspirations et les craintes d’une masse en braquant les projecteurs sur un ennemi commun source de tous les malheurs afin de faire tendre tout cet agrégat vers un même objectif.
Quelle surprise de voir alors que le premier ministre accuse «des partis politiques et des mouvements marginaux de vouloir empêcher la tenue des élections d’Octobre» se référant ainsi implicitement aux partis islamistes (mais aussi à l’extrême gauche bien qu’elle soit plus marginale). 
Il est tellement plus simple de mettre en avant les dangers (peut être réels) de partis tels qu’El Nahda au lieu de se confronter a ces propres soucis. Ainsi, la persistance sur le devant de la scène de la menace islamiste à la manière d’un Bush aurait pour seul but de détourner les citoyens d’autres problèmes plus primordiaux comme celui des libertés individuelles et collectives, de la justice (sociale et pénale). 
Mais ne nous y trompons pas, El Nahda n’est pas de son coté un ange ou une victime du système. L’opacité qui l’entoure et qui entoure ses financements la rend tout aussi suspecte et il ne faut pas s’y méprendre, elle n’est pas non plus l’amie de la révolution. Mais il sera peut être plus judicieux de traiter ce problème là que lorsque le véritable changement sera amorcé et qu’il nous permettra de voir que la soi-disant popularité de ce parti n’est qu’un mythe sans fondement. Quand bien même El Nahda aurait une véritable portée sur la population, stigmatiser ce parti ne lui ferait que s’attirer plus de compassion et de voix. La limitation du phénomène islamiste –qu’il soit réel ou non- ne peut être efficace qu’avec les armes de la démocratie.

Les autres partis, eux, font du profil bas, peaufinent leur stratagème. Ils sont dans la réaction, le calcul, dans l'opportunisme. C’est à celui qui aura le meilleur poste de ministre ou d’ambassadeur. Ces partis traditionnels faux opposants durant l’ère ZABA (« Votez pour moi mais il vaut mieux que vous votiez pour notre bien-aimé président !») continuent leur mascarade. Ainsi ils se présentent comme les leaders de l’opposition, les guides de la révolution mais quand il s’agit de pointer du doigt les dérives du système BCE ou de trouver des alternatives aux problèmes d’aujourd’hui, ces messieurs grisonnants se cantonnant à la demi-mesure, au populisme et aux discours vides sertis de grands mots. Ils diraient n'importe quoi tant que ça leur apporte quelques voix.
Le PDP, le FDLT ou Ettajdid en sont des exemples flagrants. Eux ou BCE, quelle est véritablement la différence ? Parce qu’eux bien sûr ont le droit de manifester eux du moment qu’ils suivent le gouvernement comme un troupeau. « La réforme occupe plusieurs dizaines de journaux mais pas un seul homme».
Pendant ce temps, l'Instance Supérieure Indépendante pour les Élections réussit péniblement à faire entendre sa voix. En effet sur sept millions d'électeurs potentiels, seul un million ont pris la peine de s'inscrire. Journaux, radios et télévision s’interrogent sur les causes d'une telle désertion. Certains invoquent la chaleur, d'autres le manque d’intérêt du citoyen lambda. Mais la raison est assez simple : Aller chercher une seule personne en Tunisie qui sait pour qui elle va voter et vous comprendrez pourquoi les gens rechignent à s'inscrire.


Toute l'absurdité de la chose est là : une centaine de partis politiques et le tunisien ne se reconnaît en aucun. Le tunisien sent parfaitement que la plupart de ces hommes politiques considèrent le peuple comme une sorte de variable qu'il faut manipuler tant bien que mal. Cette conception du peuple s'illustre très clairement lors des meetings politiques. La plupart sont de simples élucubrations des mots liberté, justice sociale et travail pour tous, mais aucun partis n'avance de vrais moyens pour y parvenir. On note également que la nouvelle constitution que ces partis vont écrire semble somme toute secondaire, la plupart des partis se focalisant sur la constitution d'un nouveau gouvernement issue des élections d'octobre. Et c'est là la plus grande menace, les partis auront tendance à s'occuper d'avantage de la gestion des affaires courantes que de la rédaction de la constitution.


Mais revenons en au présent. Les gens sont perdus, ils voient que leur révolution s’effiloche, qu'à part la liberté d'expression, bien peu de choses ont véritablement changé. On leur parle de forces contre-révolutionnaires qui œuvrent dans l'ombre, mais on ne leur parle toujours pas de cette fichue constitution, alors on se dit bien que quelque chose cloche sous le soleil et que ces élections sont une mascarade.


Et qu’on vienne nous demander pour qui allons nous voter ce fameux 23 Octobre. Assurément, Ommi Sissi.


Citations : Thoreau, Désobéissance Civile (assurément la Bible)

lundi 9 mai 2011

Revoici l'hystérie.


Facebook devrait vraiment s'installer en Tunisie, car ici plus que partout ailleurs, le réseau social est un acteur majeur de la vie politique. Imaginez qu'une vidéo postée sur Facebook fasse en une nuit le tour de la toile et déclenche dans tout le pays une vague de panique sans précèdent. Complot sahélien, coup d'état militaire, autant de théorie qui trottaient dans l'esprit de tout un chacun, mais qui dites par un haut responsable prennent un tournant bien plus inquiétant, et installent sur le pays une belle petite chape de plomb digne des plus belles années Ben Ali. Le jour même, après un cafouillage médiatique assez somptueux fait de confirmations et de démentis, des centaines de personnes ont commencé à manifester pour demander la démission du gouvernement avant d'être sauvagement chassé par des flics dont la formation tient plus du dressage canin que de la formation professionnelle. Et maintenant, retour au couvre-feu et des rumeurs (elles nous avaient manquées) de chaos à l'Avenue. Rumeurs qui jusqu'à maintenant sont fausses.

Toute cette affaire posent de nombreux problèmes que nous essayerons d'analyser un à un. Tout d'abord, le manque de professionnalisme des journalistes qui cherchent à tout prix le sensationnel, l'irresponsabilité de Farhat Rajhi qui lance des accusations comme s'il était un citoyen lambda dans un café quelconque, le manque de discernement des gens qui soit, ont une confiance aveugle en ce Monsieur, soit l'insultent à tour de bras parce que pour eux, rien ni personne n'a le droit de toucher à Caid Sebsi ou à l'armée, le total mutisme du gouvernement qui nous offre un bon coup de propagande télévisée ponctué d'images des dégâts causés par les manifestants-casseurs, et enfin, la violence totalement injustifiée des policiers qui ont été pris d'un violent accès de nostalgie 7 novembre, frappant même des femmes.

Commençons à la source : Une journaliste de Nour Press fait une interview de M, Farhat Rajhi où il expose avec une simplicité affligeante ses opinions qui semblent tout droit sorties d'un café, ses spéculations sur un soi-disant complot sahélien ne sont appuyés par aucune preuve, juste des suppositions lancées au gré du vent. Bien sûr, ce qu'il dit n'est pas absurde et nous sommes de plus en plus nombreux à penser que quelque chose se trame derrière notre dos et qu'en coulisse, on s'active à des choses louches pendant qu'on occupe le bon peuple avec de la niaiserie médiatique martelant à longue de journée le mot révolution alors que celle-ci semble nous échapper, mais lancer de telles accusations sans preuves quand on est un personnage influent est tout simplement irresponsable. Irresponsable l'est aussi, la journaliste qui publie ces déclarations sur Facebook sans les agrémenter d'analyse ou de commentaires, il s'agit clairement de faire du buzz et rien d'autre. Il est entendu que la liberté de la presse est totale, mais il s'agit là d'un problème de déontologie : On ne publie pas un document pareil sans autorisation du Monsieur en question et on ajoute des commentaires pour peser le pour et le contre et réfléchir à la validité de ces théories.

Ensuite, M. Rajhi, lui-même. Il jouit de la sympathie d'une grande partie de la population, et ses déclarations, ont tout de suite été perçues comme vraies par des gens qui le considèrent comme le héros qui a ébranlé le ministère de l'intérieur, alors qu'il n'a ni preuves ni témoignages. Et l'on arrive là un autre gros problème qui est l'incroyable crédulité des gens, qui semblent tout bonnement incapables de peser le pour et le contre ou de faire des compromis. Les gens descendent directement dans la rue parce qu'ils croient aux déclarations de Rajhi, non parce qu'elles sont fondés mais parce que c'est lui qui l'a dit et que de par sa réputation, ses déclarations ne peuvent être que vraies. Si Hamma Hammami avait dit la même chose, on lui aurait ri au nez, ce qui montre clairement qu'aujourd'hui en Tunisie, qui vous êtes importe plus que ce que vous dites aux yeux des gens. Certaines personnes ont la très mauvaise idée d'admirer nos hommes politiques, que ce soit le premier ministre, le chef des armées etc... Cela s'illustre par des pages Facebook aussi saugrenues que « Touche pas à Beji Caid Sebsi » ou « Tous unis avec le ministre de l'intérieur Farhat Rajhi » et de loin le meilleur "SAYEB SEBSI". Comment voulez-vous construire une démocratie digne avec ces enfantillages ? Au lieu de penser par eux-mêmes, et de se forger leur propre avis, beaucoup de tunisiens choisissent une personnalité politique à qui ils accordent leur confiance et ferment les yeux dès que l'intégrité de ces personnes est remise en question. Aussi entend-t-on des gens s'indigner « Comment ose-t-il traiter le Premier Ministre de menteur ? ».

Et d'ailleurs, quelle a été la réponse du gouvernement ? Un silence total, aucune communication si ce n'est un démenti morne d'un chargé de communication. Mais la réponse du gouvernement a été clairement visible sur la télévision nationale qui avait pour l'occasion son ancienne parure mauve : On nous montrait les pillages, les scènes de guérilla urbaine en nous disant que la police a du se défendre contre ces dangereux fauteurs de troubles. Oui, c'est sur que la femme tabassée alors qu'elle était au sol présentait un danger imminent, et que le photographe de l'AFP poursuivit jusqu'au siège de son journal pour être frappé et voir son matériel confisqué portait atteinte au prestige de l’État. Nous n'avons vu que des images où des dizaines de policiers frappaient ou trainaient des manifestants à terre et en très large infériorité numérique, pour ensuite lire, incrédules les « excuses » du Ministère de l'Intérieur qui invoque des erreurs non voulues. De qui se moque-t-on ? Cet acharnement sur les citoyens est tout sauf accidentels. Messieurs les policiers, LES GENS ONT LE DROIT DE MANIFESTER. C'est leur droit et VOUS n'avez pas le droit de jeter des lacrymos et de frapper s'ils manifestent sans violence. Ce n'est pas parce qu'ils manifestent contre le gouvernement qu'il faut à tout prix les faire taire, ça c'est du Ben Ali tout craché, faire taire toute contestation par les coups. Messieurs les policiers, votre chef est parti, vous n'êtes plus Dieu et vous devez répondre de vos actes. Vous n'avez plus le droit de frapper comme bon vous semble. Vous faites un métier, qui exige de vous de la raison et non de la sauvagerie, alors si vous ne faites ce métier que pour le plaisir animal de frapper autrui sans en subir les conséquences, démissionner tout de suite car l'impunité est révolue. Le ministère de l'intérieur doit se réformer et ne plus se résumer à la flicaille nauséabonde et à l'espionnage du citoyen car vous l'aurez-vous les policiers en civil sont encore là et 5 mois après la chute de Ben Ali, on en est encore à se demander si le type derrière nous au café est flic ou pas.


POLICEDIALOGUE
Z, toujours.

samedi 9 avril 2011

Le retour en grâce de Bourguiba


La Tunisie a fêté en grande pompe mercredi le 11éme anniversaire de la mort de Bourguiba, malgré le despotisme et la mégalomanie de l'homme, il ne faut pas nier qu'il a beaucoup apporté au pays : L'émancipation de la femme, l'éducation pour tous sont tout autant de facteur qui ont contribué à la Révolution Tunisienne. Bourguiba était, depuis quelques années devenu un symbole d'opposition, être fan de Bourguiba et non de Ben Ali sur Facebook, un mini-acte de résistance. Car tout le monde voyait bien à quel point le pouvoir essayait d'étouffer son souvenir, l'on disait souvent, sourire goguenard au lèvres que Ben Ali avait peur de Bourguiba même si celui-ci était dans sa tombe. Et sans doute avait-il eu raison d'avoir peur, car c'est bien l'avenue Habib Bourguiba qui l'a envoyé paitre.
Il semble donc que pour une grande partie des Tunisiens, il était important de lui rendre hommage en cette année, tant on a tenté de nous le faire oublier, zappant l'indépendance de nos livres d'histoire ( le seul moyen de s'en rappeler était d'acheter des cigarettes 20 Mars, sinistre manière d'envoyer l'adversaire au KO), élevant le 7 novembre, date du glorieux et poussiéreux changement. Si vous ne savez plus ce que c'est, laissez-nous vous offrir gracieusement une petite piqure de rappel :

Le peuple tunisien célèbre aujourd’hui, dans une ambiance de fête nationale où se mêlent toutes les sensibilités et s’additionnent les apports de toutes les catégories et régions, le 22e anniversaire du Changement. C’est aussi pour le peuple tunisien un moment de renouveler l’expression de sa fidélité, de sa loyauté et de sa gratitude au Président Ben Ali, le sage guide de la Tunisie, symbole de sa fierté et son choix pour le présent et pour l’avenir.

La Presse, 7 Novembre 2009

Même si nous rejetons le culte de la personnalité qui a érigé Bourguiba en Guide Suprême, il est important que nous rendions à cet homme toute sa place dans notre histoire, car malgré ses erreurs, il reste un homme de vision, qui a osé réclamé pour les femmes ce qu'elles n'osaient pas réclamé elles-mêmes et qui a tenu à sortir ses concitoyens de illettrisme et de l'ignorance. Certains et surtout certaines d'entre nous devraient peut-être y réfléchir à deux fois lorsqu'aujourd'hui, ils expliquent que la femme n'a pas à être l'égal de l'homme ( notamment au niveau de l'héritage), alors qu'il y a 50 ans de cela, un homme réclamait cette égalité avant même de mettre en place une république.

Si l'oeuvre de Bourguiba reste assez intéressante, il ne faut pas oublier les multiples zones d'ombres et par dessus tout le fait qu'il n'y a que le système de Bourguiba qui a accouché de Ben Ali.

Même s'il est bien beau de commémorer la grandeur du De Gaulle local, il ne s'agirait pas de retomber dans un autre culte de la personnalité. Célébrer (modestement) l'anniversaire de sa mort parait encore supportable mais n'exaltons pas l'homme qu,i bien qu'il apporta une indéniable modernité à la Tunisie resta tout de même un despote ayant monopolisé le pouvoir d'une main de fer durant 30 ans.

A ces ex-RCDistes qui tentent de se laver les mains en se réclamant du "bourguibisme", ils vaudraient mieux qu'ils sachent qu'on ne bâtit pas une démocratie en suivant l'idéologie poussiéreuse d'un despote, aussi éclairé soit-il.
Dans dix ans va t'on nous ressortir avec une nostalgie malsaine plus proche du marketing que de la commémoration historique, le benalisme et la suprématie idéologique de notre ZABA-Mauve préferée ?
Tout oppose, ces deux hommes, à commencer par le QI, mais ils semblaient avoir un goût prononcé pour la répression, le baillonement des libertés et le culte de soi. A éviter en démocratie.

La definition copernicienne de revolution serait un tour complet autour de soi pour revenir au même point. Tachons plûtot d'avancer au lieu de revenir en arrière et faisons aussi la révolution à cette définition



samedi 19 mars 2011

Pensons gauche.


Il est bien utile de critiquer, mais aujourd'hui nous pouvons et nous devons proposer, pour que demain la Tunisie qui verra le jour soit notre fruit et non l'idée d'un penseur isolée, ou même celle de la classe politique: Cette révolution avait aussi pour but que le peuple se réapproprie son pays et puisse participer activement aux décisions. Cela inclut évidemment voter mais allons plus loin et proposons un projet politique concret, certes pas très original mais qui aura le mérite d'être proposé sous un angle tunisien et non comme une importation TTC.

Je voudrais donc évoquer l'idée d'un Etat plus social en Tunisie mais avant d'en parler, parlons de ces 10 dernières années où le libéralisme à coup de privatisations et de crédits à la consommation s'est fait le meilleur allié de la dictature, et de l'indécrottable faim de la piètre famille régnante. Le règne de Ben Ali s'est caractérisé par une devise assez simple: « Consomme et tais-toi ». Et l'on voyait années après années les gens acheter voitures, maisons, bouffe, sans que cela ne les rende heureux, qu'ils étaient toujours plus agressifs, plus malheureux et plus vides. On voyait des hordes de gens allait à Carrefour remplir un chariot qui à lui seul résumait leur identité sociale. A l'ère de la médiocrité trabelsienne qui exhibaient leurs richesses de manière si rustre et vulgaire, une bonne partie du peuple s'est mis à vouloir les imiter: Ils s'endettaient jusqu'à la moelle pour le plaisir de s'exhiber au Calypso ou d'acheter une belle voiture que jalousera le voisin. 
Tout cela grâce au miracle du crédit à la consommation qui nous a donné l'illusion que notre niveau de vie augmentaient, alors que nos salaires stagnaient, se gonflant au gré de l'inflation. Mais le libéralisme n'est pas seulement un problème économique, c'est un problème social, chacun veut s'enrichir avec hargne au dépend de son prochain et ceux par tous les moyens, et cela inclut la corruption. La fin justifie les moyens, ce n'est que l'adage éternel du capitalisme. L'avidité rampante qui gangrénait la société tunisienne a trouvé sa justification dans la quête de la richesse, qui s'étalait sous nos yeux à coup de Hummer, de Rolex et autres déguisement pour nouveau riche.

Le libéralisme, c'etait aussi le silence assourdissant des syndicats, des conditions de travail indignes, des CDD à la pèle, de la flexibilité en veux tu en voilà. Ces drames humains que l'on voit aujourd'hui et que la plupart d'entre nous ignorions, ne sont que les tristes conséquences d'une politique de l'emploi hasardeuse laissant les mains libres aux entrepreneurs véreux et cupides. Aujourd'hui, cette terrible gestion, combinée au chômage explique l'explosion de l'économie parallèle et le sur-effectif d'un secteur public qui semble être le garant le plus fiable de condition de travail dignes.

Voilà à quoi se résumait le libéralisme en Tunisie, un libéralisme sans liberté, privilégiant une minorité de médiocres sans mérite, aveugle à la pauvreté qui gonflait et à l'effritement de la classe moyenne. Alors aujourd'hui, il est peu être temps de penser plus à gauche, après tout nous voulions la dignité, et le capitalisme exclut la dignité, laisse les pauvres mourir de faim car leur place n'est pas dans la société de la productivité et de la consommation, de l'argent et de l'individu roi.


lundi 14 mars 2011

Les Tunisiens s'indignent.


Soixante ans après la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme après la Libération, voici que la Tunisie a l'honneur de recevoir des monuments de la lutte pour la liberté et la dignité.
Le 12 Mars 2011, nous avons eu l'occasion d'assister à un colloque de grands hommes.
Youssef Seddik, philosophe et anthropologue tunisien, Jean Daniel, militant et fondateur du Nouvel Observateur et Stephane Hessel, diplomate et militant de 1ère heure qui propagea une vague d'idéalisme révolutionnaire à travers le monde grâce à son manifeste Indignez-vous, étaient rassemblés pour débattre sur l'avenir de la Tunisie libre.

Cette conférence eut lieu à l'hôtel Sheraton, qui a acceuilli plus de 1000 intéressés, parmi lesquels le ministre de la Culture.
Le colloque débuta par quelques mots du philosophe et l'un des fondateurs de l'association AVERTI Youssef Seddik. Il évoqua notamment le poète Aboul Kacem El Chebbi, dont les vers, qui composent notre hymne nationale, ont donné courage et fermeté à plus d'un face à la répression.
Youssef Seddik a eu une phrase, « j'espère que le monde dira un jour nous sommes tous des arabes » comme le monde a pu dire "nous sommes tous des américains" lors du 11 septembre ou encore aujourd'hui "nous sommes tous des japonais". La mise en avant du fait que le monde se devait en cette période de boulversements intenses repenser ses approches face à l'autre, et que c'était le moment ou jamais pour que l'universalité prime sur le particulier, montre que maintenant plus que jamais l'image que l'Occident se fait des "arabes" peut évoluer. 
Puis nous avons l'immense plaisir de pouvoir entendre M. Stephane Hessel dont la vie et les combats inspirent et inspireront encore les générations qui suivent.
Il a préconisé la vigilance comme mot d’ordre pour poursuivre a bien notre révolution.
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » (1er article de la Déclaration universelle des droits de l’homme) a-t-il rappelé en ajoutant que la Tunisie se devait d'agir suivant cette affirmation. Cet article  formulé il y a déjà 60 ans n'aura jamais été aussi essentiel, en ces jours où du Maroc au Yémen, des hommes se battent et parfois meurent pour leur liberté et leur dignité. En fournissant la preuve que les révolutions sont encore possibles,  la Tunisie doit avoir à coeur que cet article reprenne tout son sens.

Puis lui a succédé, M. Jean Daniel avec une intervention succinte :  "il faut construire au lieu de contester sans donner d'autres solutions". Il a également tenu a faire un hommage au philosophe Arkoun qui disait que les arabes étaient les précurseurs de la démocratie et que c'était donc naturel que ce soit eux qui la reprennent.

Raja Ben Ammar, comédienne et metteur en scène tunisienne, a ensuite explicité dans une intervention le lien entre le corps et la révolution et de manière plus précise, la relation entre corps et conscience. Elle a parlé du corps malade à cause du voile, de la chape de la dictature qui nous empêchait de voir la realité comme si « les portes de la perception étaient fermées. »
Elle a longuement insisté sur la censure omniprésente dans le monde du théâtre aussi bien dans les troupes étatiques que les troupes soit-disants « indépendantes »  et du fait que lorsque l’on pouvait plus parler, il y avait un certain retour au corps qui était devenu le seul  moyen de s’exprimer sans éveiller les soupçons, de dire ce que l’on ne peut dire avec des mots. Elle nous a rappelé la triste propagande que nous avons subi pendant 23 ans, avec des médias qui montraient un corps heureux et productif. Enfin, elle conclua son intervention avec "les corps de la révolution" qui ont investi la rue, l’espace en faisant allusion aux vidéos d’une femme qui criait « On l’a gagnée ! » ou d’un homme, seul sur l’avenue Habib Bourguiba, qui hurlait, ivre de joie, sa gratitude au ciel.

La parole a ensuite été donnée à M.Youssef Essid qui a exposé une théorie sur  l’ordre et le  désordre au cours d'une révolution. A vrai dire, il a surtout fait un résumé de l’avant et de l’après révolution. Il a pris l’idée de l’effet papillon ou comment un geste solitaire pouvait provoquer un cataclysme et surtout comment l’absence de tradition démocratique pouvait provoquer un vide politique car il n’y a jamais eu d’opposition à Bourguiba ou Ben Ali. A vrai dire, si un parti, un groupe ou même un leader aurait aidé à renversé le régime, il aurait récupéré la révolution et on aurait surtout assisté a un 7 Novembre bis, alors, peut être bien que l’anonymat de ce mouvement est plus positif qu’autre chose.
Ca lui va bien , la chachia.
L’historien a fait une longue description du système-mauve où il n’y avait aucune place pour le désordre ou l’imprévisible d’où l’incapacité de ZABA à répondre aux attentes du peuple. La « paix sociale » n’était assurée que par la contrainte et l’étouffement de la contestation. Il ne faudrait pas oublier que la liberté politique a un coût et qu’il faut savoir l’assumer car c’est le seul moyen de pouvoir ensuite bâtir un système équitable et démocratique. (A méditer pour la majorité silencieuse). Mettons donc « l’imagination au pouvoir ».

La partie qui fut sans doute la plus intéressante fut l’échange entre les conférenciers et les personnes venues au colloque, au moyen de questions qui permet réellement d’avoir un débat et de confronter les avis.
Est-ce que l'hégémonie américaine et israélienne permettront à un petit pays comme la Tunisie d'établir et de vivre sa démocratie tranquillement ? L'opposition (à prendre avec des pincettes) Kasbah/ Kobba pourrait-elle être considérée comme une illustration de la lutte des classes ? Que représente réellement l'islamisme en terme de risques?
Les révolutions arabes permettront-elles de faire renaître la langue arabe, longtemps jetée aux oubliettes ?
En faisant un parallèle avec la montée relative de l'extrême droite en France, peut-on toujours dire de la démocratie qu'elle reste le meilleure modèle politique à appliquer ? Une effusion de doutes, de curiosité et d'inquiétudes.
Il se trouve que "les israéliens ont peur des arabes, car ils  risqueraient de  tout perdre", dixit M. Hessel. Le mouvement révolutionnaire ne risque donc pas de toucher la jeunesse israelienne, du moins pas de manière effective. Et puis, ces saletés de lobbies. "Netanyahou dégage!" renchérit-il.
Après le Mauve, la Tunisie se retrouve en effet confrontée à d'autres forces occultes, l'Oncle Sam et Cie par exemple. A cela on nous répond que malgré le rapport de force, la Tunisie doit apprendre à préserver son autonomie, elle doit traiter d'égal à égal avec les Etats-Unis et l'UE et se dispenser de leur aide. Il ne faut pas être submergé par les modèles démocratiques américains et européens, mais chercher plus loin, comme en Amérique latine par exemple, cette zone du monde qui tente de se forger sa propre identité politique. Il faut donner un nouveau sens fort et digne à la démocratie, car il est bel et bien le meilleur système à appliquer. Mais on pourrait sans doute davantage l'améliorer : la démocratie devrait être participative, par exemple.
Et en démocratie, même les personnes voulant réduire le taux de chômage en abolissant le travail des femmes, les xénophobes invetérés, en somme les gens qui veulent nous faire vivre -86758 avant Mahomet, peuvent participer à la vie politique. "On ne peut pas faire de procès d'intention à quelqu'un" explique Seddik "tant qu'il n'a pas agit, on ne peut rien faire. Et  s'il agit, il n'y aura à ce moment la que la loi pour punir." C'est dans les urnes qu'il faut se battre. Et il ne faut pas espérer que l'islamisme soit loin derrière nous:  il faut rester vigilant et agir. S'engager.  La source de la pensée arabe se trouve dans la tranquillité et la générosité et il ne faut pas pas confondre cette idée de la pensée orientale avec les excès de certains qui se réclament de tradition arabe. (Wahabites, Al-Qaida) "Que des "ismes" n'entâchent pas les préceptes de base d'une religion qui se veut calme et tolérante."

Enfin, l'hypothèse de la représentation d'une lutte des classes fut partiellement essuyé par l'historien Yassine Essid qui émit des réserves sur la possibilité d'une analyse marxienne. Il expliqua néanmoins que selon lui c'était plutôt une tentative de la part de la bourgeoisie réfractaire et impatiente de retourner au train-train habituel, à la "normale". On est encore ici dans une démarche benaliste où toute forme de désordre est à proscrire. Une approche médiocre face à la grandeur de cette révolution, encore un automatisme peureux au service de la joie du capital.  "Cette majorité est estimée, ce n'est pas un concept net" ajouta-t-il. Il posa à son tour une question pertinente à l'audience, qui était celle de savoir vers quelle voie économique souhaitait s'engager la Tunisie : "allons-nous revenir au carcan du libéralisme?" 

Peut-être que : "L'instauration « d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ». L'intérêt général doit primer sur l'intérêt particulier, le juste partage des richesses crées par le monde du travail primer sur le pouvoir de l'argent." serait un bon conseil à suivre.

Nous peuple tunisien libre et souverain, ne pouvons accepter les tentatives de manipulation de la presse et désirons nous exprimer librement. Internet a été notre allié pendant la Révolution et le sera à l'aube de la démocratie. La jeunesse a un rôle déterminant dans la transition vers la démocratie et tient à montrer son attachement au dialogue et au débat.

Ce blog a comme vocation de profiter de notre liberté de parole fraîchement et chèrement acquise. Nous ne nous tairons pas, nous n’oublierons pas les sacrifiés pour que nous puissions redevenir des individus dignes. La période est charnière, il est nécessaire que le débat soit ouvert et actif. Nous voulons montrer que la jeunesse tunisienne peut être idéaliste mais réaliste, qu’elle veut chercher des vraies solutions et qu’elle a un vrai intérêt pour l’avenir de son pays.


Ce blog est un lieu d'échange démocratique et tolérant.